Le Magicien d'Oz

  


En participant au dispositif École et cinéma, nous prenons part à la transmission culturelle, et faisons découvrir des œuvres cinématographiques en remplissant un rôle de passeurs. Au premier trimestre de l'année 2025-2026, c'est un sacré morceau de culture que nous nous chargeons de passer. Le Magicien d'Oz est en effet un des films les plus connus de l'histoire du cinéma, un grand classique. Mais la mémoire se travaille : il faut continuer de montrer, de raconter, d'expliquer, de transmettre les œuvres, à travers les générations, pour qu'elles ne tombent pas dans l'oubli. Au-delà de la sortie du film Wicked en 2024 et de sa suite en novembre 2025, nul doute que nos élèves, au cours de leur vie, croiseront des références au Magicien d'Oz. Grâce au dispositif, ils sauront alors faire le lien avec une œuvre qu'ils connaissent véritablement.

L'herbe est-elle toujours plus verte ailleurs ? (ou la généralisation de la couleur au cinéma)

On est en 1939, deux ans après la sortie de Blanche-Neige et les sept nains. Le noir et blanc est toujours dominant au cinéma. Pourtant, dès l'invention du cinéma en 1895, plusieurs procédés sont utilisés pour ajouter de la couleur aux films. Ainsi, des pellicules des films des frères Lumière, de Georges Méliès et de Pathé sont parfois peintes à la main. On ajoutera ensuite des filtres rouges et verts aux objectifs des caméras pour imprimer la couleur sur pellicule, mais ces techniques bichromes restent contraignantes et balbutiantes. En 1932 est inventée la première caméra trichrome permettant de capter la couleur dans son spectre entier. Dès lors, la couleur au cinéma va se démocratiser. Blanche-Neige, c’est le premier gros succès commercial en couleur. Après ce haut fait de Walt Disney, il faut désormais, pour les gros studios, emboîter le pas pour offrir à leur tour ce spectacle coloré et donc éblouissant pour les spectateurs.

Entre les années 1930 et les années 1950, la couleur n'est pas exploitée au cinéma dans une volonté de réalisme. La couleur fait plutôt partie de la mise en scène : elle est spectaculaire. C'est ce que nous remarquons dans Le Magicien d’Oz, dont les 17 premières minutes sont en sépia. Dans cette première partie du film, Dorothy a une vision bien négative du monde dans lequel elle vit. Elle rêve d’un autre environnement, plus enivrant, moins monotone. L’arrivée de Dorothy dans le monde onirique du royaume d’Oz est soulignée par le passage du sépia à la couleur. La couleur y est alors très présente : un Technicolor flamboyant, saturé, pour représenter les souliers rouges, le palais d’Émeraude, la route de brique jaune, la robe bleue de Dorothy, la peau verte de la sorcière…



Un conte initiatique

Le Magicien d'Oz est un conte musical entraînant qui nous propose de suivre les aventures de Dorothy (incarnée par Judy Garland) au pays d’Oz.

Le Magicien d’Oz s’inscrit pleinement dans la tradition des contes initiatiques, où le merveilleux devient le miroir d’une transformation intérieure. Le pays d’Oz agit d’ailleurs comme un véritable miroir déformant du Kansas : les figures qu’elle y rencontre — l’épouvantail, le lion, la méchante sorcière, etc. — sont les reflets fantasmés des personnes qu’elle côtoie dans sa vie réelle. Ce procédé renforce l’idée que ce voyage est avant tout intérieur, une sorte de rêve éveillé dans lequel Dorothy peut réinterpréter son quotidien, affronter ses peurs, et repenser ses liens aux autres.

Le personnage de Dorothy incarne le passage de l’enfance à l’âge adulte : elle commence son périple dans un état de dépendance et d’innocence, mais se voit rapidement investie d’un rôle de guide, presque maternel, envers les adultes-enfants qui l’accompagnent. Confrontée tout au long de son voyage à des adultes dont elle doit prendre soin, elle fait souvent preuve d’une grande maturité. Elle doit faire des choix, affronter le danger, se montrer responsable et même affronter seule la méchante sorcière de l’Ouest, figure classique de l’ombre et de l’épreuve à surmonter.

L’herbe est-elle toujours plus verte ailleurs, se demandait-on ? Si ce voyage doit faire sortir Dorothy de l’enfance, son aboutissement réside aussi dans la perte des illusions qui vient nécessairement avec le passage à l’âge adulte. La révélation finale — que le Magicien n’est qu’un homme ordinaire caché derrière un rideau — marque le point de bascule : les illusions tombent, et avec elles, la croyance en une autorité toute-puissante ou en un miracle extérieur. Ce désenchantement, loin d’être négatif, est le signe de la croissance : c’est en perdant certaines illusions que Dorothy et ses amis deviennent pleinement sujets de leur propre histoire. Dorothy et ses compagnons de route vont en effet voir peu à peu leurs visions du monde changées, et découvrir que la magie se trouve en fait en chacun de nous.
Chaque compagnon de Dorothy incarne une qualité qu’il croit ne pas posséder (l’intelligence, le cœur, le courage), alors même que le voyage révèle qu’ils l’ont toujours eue en eux. C’est là toute la force symbolique du récit : il ne s’agit pas de trouver une baguette magique ou un pouvoir extraordinaire, mais de prendre conscience de ses ressources propres, et de gagner confiance en soi.

En cela, le film conjugue parfaitement l’émerveillement propre au conte et la profondeur du récit d’apprentissage. Le merveilleux est un passage, un détour qui permet à l’enfant de faire l’expérience du doute, du courage, de l’amitié, et de revenir — comme Dorothy — à la maison, c’est-à-dire à soi-même, plus riche, plus lucide, et plus libre.

Ressources pédagogiques :