Ponyo sur la falaise
Après Le Magicien d’Oz et Sirocco et le royaume des courants d’air, nous proposons aux élèves, avec Ponyo sur la falaise, réalisé par Hayao Miyazaki, un film poétique et envoûtant qui prolonge avec douceur le thème du passage d’un monde à un autre, fil conducteur de cette année. Miyazaki signe ici un dixième long métrage qui, à l'instar de Mon voisin Totoro, s’adresse aux plus jeunes spectateurs et développe une histoire fantastique dans une représentation réaliste du Japon. Dans une œuvre à hauteur d’enfant, il mêle avec finesse des éléments mythologiques, écologiques et scientifiques. Entièrement dessiné à la main, ce dixième long métrage est un régal visuel, particulièrement dans ses scènes sous-marines foisonnantes de vie. Plongée dans une odyssée aquatique entre mythe, nature et enfance.
Mythes, contes et métamorphoses
Comme souvent dans l’œuvre de Miyazaki, Ponyo sur la falaise s’inscrit dans une trame universelle : celle du conte. Le film reprend librement La Petite Sirène d’Andersen, mais la transfigure pour en faire un récit lumineux, joyeux, à destination des plus jeunes. On y retrouve la figure du père sorcier qui tente de retenir sa fille dans un monde aquatique, et le désir de celle-ci de rejoindre la surface pour vivre auprès d’un humain.
Mais l'inspiration ne s'arrête pas là : le véritable prénom de Ponyo est Brunehilde, une référence directe à la mythologie nordique. Brunehilde, l'une des plus célèbres walkyries, est la fille du dieu Odin, roi des dieux et souverain d’Asgard. Chargée de choisir les guerriers dignes d’entrer au Valhalla, elle finit par désobéir aux ordres de son père, souvent par compassion ou par amour pour les hommes. En guise de punition, Odin la condamne à vivre prisonnière dans un cercle de flammes, plongée dans un sommeil enchanté. Elle ne pourra être réveillée que par un héros sans peur, Siegfried, qui viendra la délivrer. Le lien est subtil, mais il renforce la profondeur symbolique du personnage de Ponyo : une figure de la transgression, du désir de transformation et de la quête d’identité.
Une œuvre profondément écologique
Ponyo sur la falaise porte un discours écologique fort, dans la lignée d’autres films de Miyazaki (Nausicaä, Princesse Mononoké...). Le déséquilibre provoqué par la métamorphose de Ponyo entraîne un dérèglement climatique aux conséquences spectaculaires : montée des eaux, tsunami, tempête… Ce cataclysme, bien qu’empreint de magie, permet d’aborder avec les élèves des phénomènes géographiques et climatiques rarement représentés dans le cinéma occidental : après la tornade du Magicien d'Oz et le vent dans Sirocco, voici les typhons, séismes, tsunamis… autant d’événements auxquels le Japon est régulièrement confronté et qui donnent au film un ancrage réaliste fort.
Mais cette tempête est aussi le reflet d’un déséquilibre plus profond, lié à la relation entre les humains et la nature. Le personnage de Fujimoto, père de Ponyo, illustre cette tension. Ancien humain devenu sorcier des mers, il vit retiré du monde terrestre qu’il observe avec une grande méfiance, voire une hostilité manifeste. Pour lui, les humains sont responsables de la pollution des océans, de l’épuisement des ressources et d’un rapport destructeur à l’environnement. Sa crainte de voir Ponyo rejoindre la surface n’est donc pas seulement celle d’un père inquiet, mais aussi celle d’un gardien de l’équilibre naturel.
À travers cette figure ambivalente, Miyazaki questionne notre place dans le monde vivant : sommes-nous capables de cohabiter avec la nature sans l’exploiter ? Si le film ne donne pas de réponse simple, il invite toutefois à réfléchir au respect du vivant, à la préservation des milieux naturels et à la possibilité d’un rapport plus harmonieux entre l’humain et son environnement.
Un terrain d’exploration scientifique
Au-delà les phénomènes météorologiques et géologiques, Ponyo sur la falaise peut également être un appui pédagogique pour les sciences de la vie et de la Terre.
La mer est dépeinte comme un monde foisonnant, où cohabitent créatures imaginaires et espèces préhistoriques. Une séquence marquante montre Sôsuke et Ponyo naviguant dans un paysage submergé où défilent diverses créatures marines (méduses, poissons aux allures préhistoriques, trilobites, ammonites) évoquant la richesse et la diversité du vivant marin à travers les âges. Cette évocation poétique constitue une porte d’entrée précieuse pour introduire les élèves aux notions d'évolution et d’espèces anciennes.
Par ailleurs, la transformation progressive de Ponyo elle-même peut être lue comme une métaphore de l’évolution. D’abord poisson étrange doté d’un visage humain, Ponyo passe par plusieurs stades hybrides, parfois proches d’une créature amphibie, avant d’acquérir une forme humaine complète. Cette métamorphose symbolise les grandes étapes du passage du monde aquatique au monde terrestre, du corps animal vers le corps humain. Miyazaki propose ainsi une vision imagée et sensible du développement des espèces et de l’adaptation au milieu.
Un ancrage réaliste dans le Japon du quotidien
Si Ponyo développe un univers onirique, il s’ancre aussi dans un Japon contemporain et réaliste, perceptible dans les moindres détails. Nous avons déjà évoqué des phénomènes météorologiques propres à la région, mais, comme dans Mon voisin Totoro, Miyazaki dissémine ici de nombreuses autres marques de la vie quotidienne et nous permet de plonger dans un Japon contemporain et tangible.
La maison familiale de Sôsuke et Lisa, construite en hauteur pour éviter les inondations, reflète l’architecture traditionnelle avec ses portes coulissantes en papier, son entrée où l’on retire ses chaussures et son mobilier bas : autant de traits typiques de l’habitat japonais.
Les repas occupent une place importante : on voit Lisa préparer des plats traditionnels comme les ramen, ainsi que des bento soigneusement emballés. Ces scènes illustrent à la fois la richesse de la cuisine japonaise et l’attention portée aux repas faits maison, souvent partagés en famille.
Le film met aussi en scène des lieux de vie collective, comme la maison de retraite où travaille Lisa, présentée comme un lieu vivant et bienveillant, où les enfants et les personnes âgées se croisent naturellement. Ce lien intergénérationnel, très valorisé dans la société japonaise, est montré avec douceur et humour. La vie côtière est par ailleurs au cœur de l’histoire, avec des scènes de pêche, de filets et de barques traditionnelles, qui illustrent le lien fort des habitants avec la mer.
Les élèves pourront enfin comparer leur école française avec la vie scolaire représentée dans Ponyo sur la falaise, avec notamment le randoseru, ce cartable rigide porté par les écoliers, et les déplacements à vélo, très courants dans les villes et campagnes japonaises.
Autant de scènes du quotidien que les élèves peuvent comparer avec leur propre environnement, pour initier un échange sur les différences culturelles.
Ressources pédagogiques :