Sirocco et le royaume des courants d'air

Après Le Magicien d’Oz, les élèves découvriront au deuxième trimestre un nouveau récit de passage, qui les conduira une fois de plus d’un monde familier à un monde étrange, foisonnant, et coloré, une cité dirigée par un maître mystérieux. Avec Sirocco et le royaume des courants d’air, Benoît Chieux nous embarque dans un univers de pure imagination, où la logique du réel cède la place à celle du rêve, du jeu, et du vent. C’est aussi un film qui, sans didactisme, peut nourrir de nombreuses pistes pédagogiques : autour du souffle et de l’air, des mythes, des liens familiaux, de la représentation de l’invisible, ou de l’expression de soi.


Représenter le vent


Le vent, comme son titre l’indique, est au cœur du film de Benoît Chieux. Mais comment représenter au cinéma quelque chose d’invisible ? C’est tout le défi que s’est donné Benoît Chieux, comme il l’explique lui-même : « Représenter ce qui n’existe pas fait partie de mes obsessions de metteur en scène : montrer le vent en animation est un formidable challenge »(1). Le réalisateur le relève avec une ingéniosité plastique remarquable : tourbillons, nuages, effets de textures, tempêtes anthropomorphes... tout participe à donner corps à ce qui n’a pas de forme. Le vent devient un personnage à part entière, parfois doux, parfois furieux, toujours vivant. Il passe aussi par le son et la musique, dans une bande-son inventive qui traduit le souffle, le mouvement, la légèreté ou l’agitation de l’air.
Mais au-delà de la prouesse formelle, c’est le sens profond du vent qui donne toute sa puissance au film. Comme le dit Benoît Chieux : « Le vent, c’est l’air qui nous entoure, le souffle qui nous permet de parler, de chanter… C’est la condition même de la vie, la respiration »(2). Dans ce monde onirique, le souffle devient métaphore de la vie, de la créativité, de la parole et du lien entre les êtres. Voilà tout ce que Benoît Chieux arrivera à représenter, à travers de véritables moments de grâce, dans son film dont l’histoire est faussement simple.

Bestiaire


Benoît Chieux ne s’en cache pas : au-delà de l'influence du Magicien d'Oz, il puise son inspiration dans le travail d'Hayao Miyazaki, illustre cinéaste japonais fondateur du studio Ghibli. On retrouve dans Sirocco son goût pour les mondes flottants, pour les créatures hybrides, pour le voyage initiatique où l’imaginaire permet de transformer le réel. Cette filiation se révèle précieuse dans le cadre d'École et cinéma, puisque les élèves découvriront également Ponyo sur la falaise au troisième trimestre. Sirocco, le royaume des courants d’air regorge ainsi de formidable idées visuelles pour nous faire voyager dans cette cité météorologique spectaculaire où vivent des figures d’animaux hybrides. Ce bestiaire foisonnant offre peut-être l’occasion d'aborder avec les élèves les créatures hybrides dans les mythologies (grecque, égyptienne, japonaise...).


Un récit d’enfance et de lien sororal


Passé relativement inaperçu à sa sortie en salle, Sirocco et le royaume des courants d’air est pourtant une perle rare du cinéma d’animation français, portée par une poésie visuelle et une profondeur de lecture qui en font un véritable film d’auteur pour les enfants. Il s’inscrit dans cette lignée de films qui n’infantilisent pas leur public, mais qui, au contraire, lui font confiance : en misant sur la puissance de l’imaginaire, sur la poésie du mouvement, sur l’intelligence des émotions.

Le récit de Sirocco, le royaume des courants d’air repose sur émotion très intime : celle du lien entre deux soeurs. D'une part, Juliette et Carmen, deux fillettes aux caractères bien distincts, unies par l’amour qu'elles se portent mutuellement. Juliette est rêveuse, intuitive ; Carmen plus sérieuse, plus ancrée. Le film montre comment ces deux tempéraments vont se confronter, s’ouvrir l’un à l’autre et se transformer. Le lien entre Juliette et Carmen s’inscrit dans une représentation de l’enfance d’une justesse rare, particulièrement dans le cinéma jeune public. Benoît Chieux ne regarde jamais ses jeunes héroïnes de haut : il épouse leur point de vue, leur sensibilité, leur logique propre. Le film ne cherche pas à expliquer, à moraliser, mais à faire ressentir. Il donne à voir des enfants dans toute leur complexité : rêveuses, inquiètes, déterminées, parfois contradictoires — profondément humaines. L’enfant est représenté avec finesse et sensibilité ; il est traversé par des émotions complexes, mais toujours reconnu dans son intelligence émotionnelle.
Cette justesse se retrouve dans l’écho que crée le personnage de Selma, autre figure de sœur, dont l’histoire agit comme une résonance plus grave, plus mélancolique, du lien entre Juliette et Carmen. Là encore, le film fait confiance au spectateur, quel que soit son âge, pour saisir les sentiments à l’œuvre : le manque, la séparation, le désir de retrouver l’autre.
Ces deux relations sororales permettent d’aborder avec les élèves des thèmes profonds : la jalousie, le manque, la protection, la séparation, la reconnaissance mutuelle.


(1) : Source : Dossier de presse
(2) : Source : Ibid.

Ressources pédagogiques :